Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Société Historique et Archéologique du Giennois (SHAG)
9 avril 2016

Compte rendu du 4e Rallye-Patrimoine (21 juin 2015), par Antoine Estienne.

JPPM-2015-Bandeau

Le 21 juin dernier, la SHAG prenait part aux 18e Journées du Patrimoine de Pays et des Moulins, en organisant dans ce cadre, et sous la conduite de votre serviteur, son 4e Rallye-Patrimoine. 

 

Le thème de ces 18e JPPM, "Moyen Âge encore présent", permettait d'imaginer de nombreux circuits de découverte. Mais il manquait un véritable fil conducteur pour structurer un peu plus fortement cette désormais traditionnelle journée de découverte du patrimoine. Ce fil conducteur, et le véritable sujet de ce 4e Rallye Patrimoine nous a été fourni par le hasard des rencontres. Un hasard qui m'a conduit à m'intéresser, à la fin de l'année 2014, à un personnage relativement méconnu et dont l'action fut pourtant majeure sur le territoire Gâtinais après les ravages terribles soufferts par ce pays durant la guerre de Cent Ans. Ce personnage, c'est l'abbé Louis de Blanchefort. 

Armes de Jacques de Comborn (1395-1474), évêque de Clermont. D'or aux deux lions léopardés passant de gueules. Clermont-Ferrand B.M. ms 0065

Abbé de Ferrières de 1465 à 1505, Louis de Blanchefort est issu de deux des plus prestigieux lignages nobiliaires du centre de la France. Membre de la famille d'Aubusson par sa mère, Souveraine, il appartient à une branche cadette de la famille de Comborn (à la même époque Jacques de Comborn est évêque de Clermont, et son frère Pierre est évêque de Saint-Pons) par son père, Guy III de Blanchefort, Sénéchal de Lyon, bailli de Mâcon, chambellan du roi Charles VII; branche qui, toute cadette qu'elle soit est semble-t-il autorisée à porter les armes pleines de la branche aînée, ce qui n'est pas si fréquent.

Du reste, la tradition, tenace et relativement unanime, fait de lui le filleul du roi Louis XI, ce qui n'a rien d'impossible compte tenu de la position de sa famille à la Cour. Elu par ses frères en 1465, Louis de Blanchefort n'est alors déjà plus un simple moine. Il est en effet depuis plusieurs années prieur d'un établissement éloigné du chef d'ordre, le prieuré Saint-Sauveur de Bray-sur-Seine. Nul doute que tout en lui assurant un tremplin pour le trône abbatial, ce petit monastère placé sous sa direction constitue pour lui le laboratoire qui va lui permettre d'exprimer pleinement son talent et de faire ses preuves en tant que meneur d'hommes, gestionnaire et homme de foi.

Ferrières-en-Gâtinais, la tour de l'abbatiale, flèche de pierre élevée par Louis de Blanchefort (Photo A. Estienne)

Dès son avènement au trône abbatial de Ferrières, Louis de Blanchefort n'a de cesse de redresser son abbaye, rétablir l'observance la plus stricte et la plus pure, redresser les finances, restructurer, reconstruire et restaurer les bâtiments, non seulement à Ferrières mais dans chacun de ses membres. C'est ainsi que notre périple sur les traces de cet exceptionnel abbé bâtisseur nous mena d'abord à Thorailles; modeste commune du montargois (177 habitants au dernier ressencement), ancienne dépendance de Ferrières pour son fief de Courvilaine. 

La petite église Saint-Jean-Baptiste de Thorailles, vue depuis son cimetière au sud (Photo A. Estienne)

 

Thorailles, église Saint-Jean-Baptiste, vantaux du portail dû à Louis de Blanchefort (Photo A. Estienne)

A Thorailles, Louis de Blanchefort fit relever, et même agrandir d'une travée l'église Saint-Jean-Baptiste. Caquetoire, voûtement de pierre, là où précédemment il n'y eut sans doute jamais plus qu'une charpente, sculpture, statuaire; l'abbé ne regarda pas à la dépense pour redonner du lustre à cette modeste église rurale dont la visite nous permit de débuter la journée dans un petit cadre paisible et agréable, pour ainsi dire au milieu des champs. 

Tout semble miniature à Thorailles, et la mairie ne fait pas exception comme le montre l'image ci-dessous...

Thorailles, la mairie et l'église. Photo François Goglins, source: wikipedia

La SHAG, les participants à cette journée et moi-même tenons à remercier ici Madame le Maire de Thorailles, ainsi que son équipe, pour l'accueil vraiment chaleureux qui nous fut réservé sur place, pour leur disponibilité et leur gentillesse. Cela contribua à donner à cette petite journée un démarrage des plus sympathiques. 

La-Selle-sur-le-Bied, église de la Sainte-Trinité (Photo A. Estienne)C'est à regret que nous avons dû laisser Thorailles derrière nous pour reprendre nos minibus, et nous diriger vers une autre dépendance de Ferrières, distante de quelques kilomètres à peine : La Selle-sur-le-Bied. Derrière son austérité de façade, l'église de la Sainte-Trinité de La-Selle-sur-le-Bied, dont les murs et le portail remontent au XIIe siècle, dissimule de belles surprises. Ruinée au XIVe siècle par les troupes anglaises, restaurée et agrandie vers 1480-1500 par Louis de Blanchefort, qui la dote pour l'occasion d'un curieux collatéral nord entièrement aveugle; l'abbé lui prodigue également un décor peint qui, dissimulé derrière des badigeons postérieurs, fut redécouvert par Monsieur J.M. Buisson à l'occasion de travaux de restauration en 1960, et classé Monument Historique dans la foulée. Une rareté qui s'offre aujourd'hui au regard des visiteurs assez curieux pour pousser la porte.

La-Selle-sur-le-Bied, la nef de l'église vue depuis le choeur (Photo A. Estienne)

Eglise de La-Selle-sur-le-Bied, le saint Pierre (Photo A. Estienne) Eglise de La-Selle-sur-le-Bied, le saint André (Photo A. Estienne)

Eglise de La-Selle-sur-le-Bied, le saint Jean (Photo A. Estienne) Eglise de La-Selle-sur-le-Bied, le saint Hubert (Photo A. Estienne)

Eglise de La-Selle-sur-le-Bied, le saint Sébastien (Photo A. Estienne)

Le toponyme "La-Selle-sur-le-Bied", qui s'écrivait autrefois "La-Celle-sur-le-Bied" vient naturellement du latin cella et de l'ancien français vied, autrement dit l'enclos monastique sur le bief. 

A grande proximité de l'église, de l'autre côté de la Cléry, se trouve le château, de nombreuses fois remanié, la dernière en 1905. La bâtisse actuelle semble occuper l'emplacement d'un précédent édifice d'époque médiévale. Occupé par les Anglais en 1360, leur départ aurait été acheté par Du Guesclin. A la fin du XVe siècle, la présence de douves en eau et d'un pont-levis est attestée, la seigneurie étant tenue en fief par Guillaume de Rieux.

La-Selle-sur-le-Bied, le château, ses douves et la Cléry (Photo A. Estienne)

Griselles, Pont du Grill, armes de Louis de Blanchefort (Photo A. Estienne)

Après avoir découvert l'église de La-Selle-sur-le-Bied, son décor peint et son mobilier, nous avons repris notre petit périple jusqu'au village circumvoisin de Griselles, où nous attendait un monument bien particulier et bien discret : un pont. Le pont du Grill.


Etabli sur la Cléry, affluent du Loing, et par là sous-affluent de la Seine, le pont du Grill est un monument singulier. Elevé par les moines de Ferrières à la fin du XIIe siècle un peu en amont de l'entrée du grand étang de l'abbaye, le pont du Grill porte deux fois les armes de son restaurateur... Louis de Blanchefort.

Griselles, lieu-dit Corbelin, le pont du Grill, XIIe siècle (Photo A. Estienne)

 

Ce pont de sept arches a ceci d'étonnant qu'il présente deux faces radicalement différentes. La première, ci-dessus, côté aval, nous montre un édifice de conception très classique, en apparence au moins. Les ouvertures prennent la forme d'un arc en tiers point à la mode du premier gothique. On remarque cependant la chute d'eau au pied des piles et sa régularité inhabituelle. Lorsque maintenant on regarde l'ouvrage côté amont, son aspect change du tout au tout.

Griselles, lieu-dit Corbelin, le pont du Grill, XIIe siècle, vu de l'amont (Photo A. Estienne)

 

Aux belles ouvertures gothiques ont fait place autant de baies carrées surmontées par un austère arc en plate-bande, et précédées par six puissants becs de culées plantés serrés. Ces dispositions étranges ont pourtant une explication bien simple que nous donne le nom-même de ce pont : le pont du Grill; autrement dit le pont filtrant. Car il s'agit bien de cela. Ce pont à l'aspect si étrange, et qui se trouve si puissamment établi sur un cours d'eau pourtant relativement paisible et constant  n'est pas une simple structure mettant en communication les deux rives de la Cléry, il joue également un rôle de filtre qui lui vaut ce nom de Grill. Placé à quelques centaines de mètres de l'entrée du grand étang de l'abbaye de Ferrières voisine, il empêche les débris, bois flottant, charognes, etc, charriés par la rivière d'y pénétrer et de corrompre cette eau dormante qui abrite le vivier du monastère. Par ailleurs, la chute d'eau en aval des piles permet d'oxygéner celle-ci de manière à rendre les eaux de l'étang voisin plus poissonneuses.

Le pont du Grill aura formé une découverte rafraîchissante et insolite alors que sonnait midi au clocher de Ferrières, tout proche.

Après cette matinée bien occupée, nous n'avions pas volé une pause, et c'est à Ferrières-en-Gâtinais, sur un bel espace en pelouse disposant de tables de pique-nique, derrière l'église Notre-Dame-de-Bethléem, et devant les vestiges des bâtiments conventuels aujourd'hui occupés par l'hôtel de ville, que nous profitâmes d'un déjeuner roboratif. Comme lors des précédentes éditions, la convivialité fut de mise, chacun ayant apporté, en plus de son panier personnel, un petit quelque chose à partager avec le groupe.

Abbatiale de Ferrières-en-Gâtinais, la nef (Photo A. Estienne)

L'après midi pouvait dès lors commencer, à la découverte du monastère de Ferrières. Résumer en quelques mots plus de 1000 ans d'une histoire aussi prestigieuse que celle que nous conte Ferrières relève de la gageure. Fondé vers 630 par le duc Wandelbert, le monastère est dès l'origine proche de la cour impériale. Louis III d'Outremer et Carloman y sont même sacrés en 879. Alcuin, "l'homme le plus savant de son temps" selon Eginhard, grand ami et conseiller de Charlemagne, dirigeant l'école palatine d'Aix-la-Chapelle, personnage central dans la Renaissance carolingienne, se voit confier la charge d'abbé de Ferrières par l'empereur. Aldric, maire du palais de Louis le Débonnaire, puis chancelier de Pépin d'Aquitaine est abbé de Ferrières à compter de 821, puis archevêque de Sens. Loup Servat, son élève, élève de Raban Maur, ami d'Eginhard, précepteur et ami de Charles le Chauve, lui succède... Tous ces personnages d'une très haute érudition et d'un grand charisme font de Ferrières un grand centre de culture en Occident, y développant une école et un scriptorium réputés dans l'Europe entière.

L'abbatiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Ferrières est une grande église des XII et XIIIe siècles, extrêmement singulière, dont le plan hérite en partie de celui d'un édifice du IXe siècle. Louis de Blanchefort est là encore très présent. Le choeur, la nef, aujourd'hui unique, de l'abbatiale, le collatéral nord ayant été détruit au XIXe siècle, furent (entre autres) restaurés par ses soins. La croisée de transept est la partie la plus singulière de l'édifice. Elle présente en effet une voûte octopartite formant coupole octogonale reposant sur huit piliers répartis en cercle autour de l'ancien emplacement de l'autel. Cette partie de l'église a en effet repris les emprises et le plan de l'abbatiale carolingienne construite sur un plan centré par Aldric, abbé de Ferrières puis évêque de Sens dont la vie nous est contée dans les vitraux Renaissance du choeur actuel.

Abbatiale de Ferrières-en-Gâtinais, croisée de transept (Photo Mossot, source : wikipedia)

Comme pour l'église de la Sainte-Trinité de La-Selle-sur-le-Bied, Blanchefort dota également son abbatiale d'un décor peint dont les voûtes portent sans doute encore l'essentiel s'il faut en croire les sondages réalisés à travers les badigeons postérieurs voici quelques années. Le décor mural de la chapelle mortuaire des moines, établie au sud-est du choeur, est quant à lui très bien conservé. Est-il dû lui aussi au mécénat et à la maîtrise d'ouvrage de l'abbé de Blanchefort ? Cela paraît assez probable. Néanmoins les coloris employés et le style les inscrivent dans les premières années de la Renaissance, ce qui, si ces peintures ont bien été commanditées par Louis de Blanchefort, tendrait à inscrire ce chantier dans la deuxième moitié de son abbatiat, voire les dernières années de celui-ci. Il peut cependant s'agir aussi de l'oeuvre d'un de ses successeurs, Jean Pot (1505-1517) ou Pierre de Martigny (1517-1560).

Ferrières-en-Gâtinais, chapelle mortuaire de l'abbatiale (Photo Eric Chevert)

Ferrières-en-Gâtinais, chapelle mortuaire de l'abbatiale (Photo Eric Chevert) Ferrières-en-Gâtinais, chapelle mortuaire de l'abbatiale (Photo Eric Chevert)

 

 Abbatiale de Ferrières-en-Gâtinais, verrière de saint Christophe, détail : Jean Pot de Rhodes, abbé donateur agenouillé devant le saint (Photo Eric Chevert)Louis de Blanchefort fut-il aussi le commanditaire du remarquable corpus de vitraux dont les couleurs châtoyantes irrisent le choeur de l'abbatiale ? Bien que trois des cinq verrières portent ses armes, il est plus que probable qu'elles furent l'oeuvre de ses successeurs, Jean Pot, son propre neveu, et Pierre de Martigny. Une manière pour eux de lui rendre hommage tout en s'inscrivant clairement dans sa continuité. Ce sont aujourd'hui ces verrières qui éclairent, non seulement la chaire abbatiale sculptée de ses armoiries, mais surtout son tombeau. Autrefois placé dans la nef où il fut mutilé, le gisant brisé durant la Révolution, les sculptures grattées avec frénésie par les fidèles, ceux-ci croyant à tort qu'il s'agissait là de la sépulture de sainte Apolline, invoquée contre les rages de dents, le tombeau de Louis de Blanchefort représente l'une des premières grandes oeuvres sculptées de la Renaissance française. 

Abbatiale de Ferrières-en-Gâtinais, tombeau de Louis de Blanchefort.

 

Enfin nous avons pu découvrir, sous la conduite de Madame Françoise Souchet, Présidente de l'office de tourisme de Ferrières, l'ancien réfectoire de l'abbaye, la salle capitulaire, coeur du monastère, aujourd'hui salle des mariages de la mairie de Ferrières, où là encore tout est dû à Louis de Blanchefort; et enfin la spectaculaire chapelle Sainte-Elisabeth, chapelle privative de Blanchefort. L'édifice, admirablement préservé, porte sur chacune de ses parois murales un décor peint singeant la tapisserie, déroulant sur toutes les surfaces murales, répétés à l'envi, les lions de gueules sur fond d'or du blason des Comborn. Cette visite, bien que partielle de la grande abbaye de Ferrières nous aura permis d'entrevoir, et d'entrevoir seulement, l'immensité du chantier de restauration, de restructuration et de reconstruction réalisé ici-même par cet étonnant personnage que fut Louis de Blanchefort.

Ferrières-en-Gâtinais, salle capitulaire (Photo A. Estienne)

Ferrières-en-Gâtinais, chapelle Sainte-Elisabeth (Photo A. Estienne)

Ferrières-en-Gâtinais avait décidément tout d'un piège pour nous retenir le reste de l'après-midi. Et c'est ainsi qu'après nous être arrachés péniblement à ce site exceptionnel dont il reste encore tant à découvrir, nous reprîmes la route pour Puiseaux. Et nous arrivâmes... presque à l'heure... Pas beaucoup en retard... Hmm... passons.

Puiseaux, église Notre-Dame (Photo A. Estienne)

Eglise de Puiseaux, bras de transept sud (Photo A. Estienne)

Puiseaux, clocher tors (Photo Pascale Estienne)

Puiseaux et sa belle et grande église du XIIIe siècle nous permet de nous évader un peu. Oubliant temporairement Louis de Blanchefort qui n'y eut aucune part, Puiseaux se trouvant hors des possessions de Ferrières, nous pûmes admirer ce bel édifice issu de la fondation d'un monastère par Louis VI le Gros en 1112, donné comme prieuré aux chanoines de Saint-Victor de Paris l'année suivante. Le très curieux clocher tors qui couronne la tour de sa croisée de transept, comme tous les clochers de ce type, est le résultat d'un accident. A la suite d'un orage en 1785, au cours duquel la foudre s'était abattue sur l'édifice, provoquant un début d'incendie; le poinçon central vrilla, conséquence de l'orage lui-même ou bien des travaux de restauration menés après l'incendie, entraînant dans son mouvement arêtiers et enrayures. La torsion d'un huitième de tour du clocher de Puiseaux est le résultat de cet accident. Il y a à peine quelques années, le clocher de l'église de Boësse, distante de quelques kilomètres, a connu une mésaventure similaire. Découverte durant des travaux de couverture, la charpente accuse désormais un léger mouvement de torsion de la gauche vers la droite. Les plus courageux eurent l'occasion de visiter le grand comble de l'église Notre-Dame de Puiseaux et de voir la partie basse de la flèche de l'intérieur. Outre une belle tribune de bois sculpté du XVIe siècle, l'église de Puiseaux présente également une remarquable mise au tombeau; admirable groupe sculpté polychrome du XVIe siècle qui à lui seul vaut le détour. Remercions ici Madame Sophie Desfaucheux, adjointe au maire de Puiseaux qui a eu la patience de nous attendre, en compagnie de la représentante de la République du Centre (voir article en pied de page), malgré notre important retard, et la gentillesse de nous accueillir au nom de la commune. 

Puiseaux, votre serviteur commentant la mise au tombeau du XVIe siècle (Photo Eric Chevert)

 Enfin, nous reprîmes la route pour une ultime étape : cap sur La-Neuville-sur-Essonne, son église, et les vestiges de son manoir, résidence des abbés de Ferrières, reconstruit à la fin du XVe siècle par... Bref, vous devinez par qui. 

 C'est par la troupe théâtrale des Minuits, actuelle propriétaire du site, que nous avons été accueillis en début de soirée, vers 18h. Les Minuits, qui répètent et se produisent sur place, dans les bâtiments transformés d'une ancienne ferme établie, sans doute au XVIIIe siècle, à côté des ruines du manoir, ont entrepris un grand chantier de mise en valeur du site qui sert de cadre à leurs performances.

La Neuville, entrée du jardin des Minuits (Photo Théâtre des Minuits)

Ce travail de fond a commencé par la valorisation du jardin du manoir. Aidés du grand jardinier récemment disparu, André Eve, la troupe a mis en place un jardin qui, bien qu'il n'ait pas été encore inauguré (l'inauguration aura lieu le 31 mai 2016), est déjà reconnu comme l'un des plus beaux de la région Centre.

La Neuville, jardin des Minuits et manoir de Louis de Blanchefort (Photo Théâtre des Minuits)

C'est par ce jardin extraordinaire, foisonnant, luxuriant, reposant, chatoyant, que nous avons été reçus par plusieurs membres de la troupe. Un début de soirée que j'ai personnellement vécu, mais je crois pouvoir parler au nom de tout notre petit groupe, comme un véritable moment de grâce, alors que la fatigue commençait à se faire sentir chez chacun et chacune d'entre nous après cette journée riche en découvertes. Le temps était soudain comme suspendu. Le soleil déclinait lentement, arrosant le jardin et colorant d'un jaune orangé les pierres blanches du manoir abbatial. 

Au sortir du jardin, l'antique demeure de Louis de Blanchefort se dressait devant nous.

La-Neuville-sur-Essonne, vestiges du manoir des abbés de Ferrières, ruines de la tourelle d'escalier (Photo A. Estienne)

Entièrement reconstruit par l'abbé après avoir été détruit par les Anglais, le manoir de La-Neuville-sur-Essonne est au coeur d'une baronnie, propriété de l'abbaye de Ferrières. Ce monument extrêmement intéressant connaîtra malheureusement un sort funeste. Mis à sac et incendié durant les guerres de religion, avec la bénédiction de son locataire, l'abbé commendataire de Ferrières (et de Saint-Benoît-sur-Loire entre autres), Odet de Coligny, frère de l'Amiral, converti comme lui au protestantisme, le manoir ne sera jamais restauré.

Eglise de La Neuville vue de la chambre au sommet de la tourelle d'escalier (Photo A. Estienne)

Il servira dès lors de carrière de pierres aux villageois locaux. Les dispositions du logis de l'abbé, établi dans l'angle d'une cour carrée puissamment close de murs, et disposant d'au moins une tour d'angle équipée d'archères, sont à tout le moins étonnantes. Comme en témoigne au moins un écrit du XVIIe siècle, abondé par les vestiges observables sur place, l'accès à chacun des niveaux depuis la tourelle d'escalier qui les commandait, se faisait par l'intermédiaire... d'un pont-levis intérieur ! Par ailleurs, en plus d'être surmontée d'une archère avec bouche à feu supportant le blason de Blanchefort, la porte d'entrée de la tourelle est également équipée d'un judas. Ce dernier, très discrètement ménagé dans l'épaisseur du linteau de pierre de la porte, permettait de voir, depuis le premier étage de la tourelle, le visage du visiteur... et, au besoin, d'en faire de la charpie d'un bon coup de mousquet ! 

Plus pacifiquement (peut-être), le dernier niveau de cette tourelle, aujourd'hui ruiné, était occupé par une petite pièce à laquelle donnait accès un étroit escalier intérieur aux murs, prenant la suite de la grande vis. Les vestiges de cette pièce, voûtée en tas de charge, y montrent encore au moins un grand placard mural; logement pour une bibliothèque ? Il n'est pas impossible en effet que nous soyons avec cette petite chambre perchée en haut de sa tour, en présence d'un studiolo, du cabinet de travail et d'étude, peut-être même cabinet de curiosité de ce personnage, meneur d'hommes charismatique, bâtisseur hyper-actif, et théologien érudit qu'était Louis de Blanchefort. 

La Neuville, jardin des Minuits, la prairie (Photo Théâtre des Minuits)

C'est par cette dernière étape que prenait fin notre 4e Rallye-Patrimoine. A l'issue de ce dernier bout de commentaire historique, les Minuits nous contèrent leur propre histoire, celle de leur troupe et de leur présence en ces lieux, nous exposèrent leurs projets, en cours ou en attente de réalisation. Après le jardin, le manoir est désormais au coeur de toutes les attentions. Un chantier de consolidation et de restauration partielle est d'ores et déjà lancé qui prendra plusieurs années et permettra de sauver d'une disparition complète, tout en le présentant régulièrement au public, le curieux logis de l'abbé de Blanchefort. Une opération de collecte de fonds est d'ailleurs lancée que nous ne pouvons que vous encourager à abonder (voir le lien que nous donnons en bas de page); votre don aidera à financer la première phase de cet important chantier. 

La soirée se conclut par le verre de l'amitié, savouré dans la cour du théâtre, entre manoir et jardin, prolongeant ce délicieux moment de douceur estivale.

Enfin il fallut faire nos aurevoirs, non nos adieux, à la troupe, et reprendre nos minibus pour un voyage retour vers Gien; fourbus mais, du moins je l'espère, des étoiles plein les yeux.

 

La Neuville, jardin des Minuits et manoir de Louis de Blanchefort au crépuscule (Photo Théâtre des Minuits)

Rendez-vous le dimanche 19 juin 2016 pour une nouvelle édition sur le thème "Métiers et savoir-faire" !

 

 Antoine Estienne.


Remerciements

La Société Historique et Archéologique du Giennois, les participants de ce 4e rallye-patrimoine et moi-même tenons à remercier chaleureusement, en plus de la ville de Gien pour le prêt de ses minibus, Madame Nathalie Lucas, Maire de Thorailles et son équipe; Mme Françoise Souchet, présidente de l'Office de Tourisme de Ferrières-en-Gâtinais; Madame Sophie Desfaucheux, adjointe au Maire de Puiseaux chargée de la Culture, et l'association du Théâtre des Minuits pour l'accueil vraiment exceptionnel qu'elles nous ont réservé à chaque étape de ce rallye. Elles ont grandement contribué à la convivialité qui régna d'un bout à l'autre de cette belle journée. Merci à toutes !

 

Pour en savoir plus et apporter votre pierre à la restauration du manoir de Louis de Blanchefort, c'est ici : 

 

Le Château des Deux Tours

dans ce nouveau projet de protection et de mise en valeur du patrimoine local. Le Château des Deux Tours se situe au cœur de la commune de La Neuville-sur-Essonne. Á l'abandon depuis des siècles, il n'avait d'ailleurs pas de nom, les Minuits, une troupe professionnelle de théâtre s'y installe en 2002.

https://dartagnans.fr

 

Le 4e Rallye-Patrimoine Giennois dans la presse locale : 

Le clocher fait l'admiration des Giennois

Les membres de la Société historique et archéologique du Giennois ont découvert le clocher tors de la commune. - Bernès Dominique la société archéologique gienoise séduite par le clocher tors. C'est à un beau périple au milieu des vieilles pierres qu'a participé la Société historique et archéologique du Giennois (Shag).

http://www.larep.fr

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Société Historique et Archéologique du Giennois (SHAG)
  • Fondée en 1923 à Gien, la Société Historique et Archéologique du Giennois étudie l'histoire et le patrimoine local. La SHAG participe aux journées du patrimoine, et valorise l'archéologie de la région.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
PUBLICATIONS DE LA SHAG
Newsletter
Archives
Pages
Publicité